Ton regard se perd sur un endroit inconnu de l’horizon, tu fais le point, en solitaire sur une table dans le coin du beachside grill, attendant la seule personne dont tu semble être réellement tombé amoureux un jour. Pourtant, tu gardes l’amère impression que quelque chose est différent, affichant un voile opaque devant ton visage pour ne pas t’inquiéter outre mesure de ce fossé qui désormais semble vous séparé tu ne peux toutefois t’empêcher de remarquer qu’un changement a été opéré. Peut-être te fais-tu des idées mais un doute ne cesse de subsister en ton fort intérieur. Il te bouffe comme une maladie incurable qui détruirait tes cellules une à une, tu ne cesse de taire cette douloureuse impression, aussi bien pour toi, par égoïsme, pour garder ce petit bonheur encore un peu, que pour elle, parce que tu ne veux pas l’entendre un jour te dire que cette situation est vouée à l’échec. A mesure que les minutes passent, tu ressasses tes idées sombres, les chassant, elles reviennent toujours au galop pour te rappeler que tu ne vis pas dans un monde utopique, que les piliers de ton existence peuvent se détruire à tout moment, ne laissant que des ruines derrière toi. Tu imagines le pire tout comme le meilleur. Tu cherches à savoir si toi, tu as fais un faux pas, si c’est toi qui t’es éloigné d’elle ou si tu as un jour mal agit. Parce que oui, imbécile, tu te persuades que Timae ne pourrait pas être l’auteur de cet éloignement qu’elle espérait sans doute faire passer inaperçu. Tu lui donnerais le bon dieu sans confession. Un peu trop naïf, trop romantique, trop con sans doute. Tu regardes le tic tac de l’horloge pendue au dessus du comptoir sans rien affiché son visage indifférent au monde, perdu dans tes pensées et les secondes qui semblent s’en aller, ton bonheur qui semble se raccourcir, quand prendra-t-il fin alors ? Tu es tellement absorbé par tes propres doutes que tu ne l’as pas vu se glisser sur la banquette en face de toi, jusqu’à se que sa voix résonnant ne te fasse sortir de ta cruelle torpeur, elle t’extirpe du cauchemar dans lequel tu t’étais toi-même engouffré, sombre idiot. Et évidemment, tu lui souris, comme si quelques secondes plus tôt, tu n’avais pas imaginé le pire, comme si tu n’avais aucun doute, comme si tes peurs étaient inexistantes, tu souris seulement avec la farouche conviction que si tu renvois tes démons au placard, ils disparaîtront. T’es comme les gosses en fait, persuadé que les miracles régiront ta vie et en feront un véritable paradis. Mais ça fait tellement de bien d’y croire un peu. Rien qu’un peu. « Pile en retard, comme toujours. » L’ironie, douce ironie, sympathique ironie. Elle masque cette fébrilité intérieur qui martèle ton esprit, cette voix qui te crie « Elle t’échappe gamin ! Et tu eux rien y faire. Regarde là s’éloigner de toi et balayer tes idéaux. Et crève, consume toi de douleur. » Tu voudrais que tes pensées s’arrête un instant, que tes doutes se dissipent, mais tu le vois dans ses yeux, cette lueur qui a disparu, cet amour qu’elle te porte mais cette distance qu’elle installe. Douloureuse sensation. Timae est si proche. Mais Timae est si loin.

Autant de bonheur que de désespoir, c’est ainsi que tu as toujours vu l’amour, d’ailleurs, tu fais partit de cette masse de gens qui veut croire au bonheur amoureux qui peut durer. Celui-ci semble d’ailleurs régir ton existence depuis que tu as rencontré Timae. Pourtant, tu as beau retourner les choses dans ta tête depuis quelques jours, l’étiquette voudrait que tu dises « je suis en couple » mais au-delà de ça, ta tête te cris « T’es vraiment dans la merde et ton couple est fichu si aucun de vous se bouge. » Bordel sentimental, tu préfères te cacher devant les gestes tendres que vous vous adresser face au regard lointain qu’elle arbore depuis l’été. Tu t’assures que, dans le pire des cas tu pourras l’oublier, parce qu’au moins, si un jour tout venait à s’effondrer, tu penses que tu t’en sortirais en un clin d’œil, après tout, il y aurait tes amis, Jordan ou les autres basketteurs pour te soutenir ? La bonne blague. Si tu savais mon pauvre, si tu ouvrais les yeux trente secondes, si tu remarquais que tout autour de toi défile tandis que tu restes pantois. Tu vis dans l’utopie d’un monde ou l’amour ne ferait pas souffrir, mais quand tu regardes Timae, même si tu l’as sens distante, tu t’en veux de n’avoir jamais essayer de rassurer les doutes qu’elle aurait pu avoir ou tout simplement, de trouver le courage d’affronter dans la tempête que tu sais proche de vous. Dans le fond, Rush, t’as jamais été un trouillard, sauf depuis que tu l’as connais. Sauf depuis que tu sais que tu pourrais la perdre. Une vraie poule mouillée, ouais. « Je devais bien me faire jolie pour taper dans l’œil du garçon que j’aime. » Tu l’écoutes, à moitié attentif, d’habitude, toutes tes pensées et ton attention est tournée vers elle, son visage, ses mots, ses gestes. Mais pas aujourd’hui. Dans le fond, tu es trop absorbé par la balance de sentiments qui prend place en toi. Tu voudrais lui demander ce qui cloche, parce que vous faites traîner les choses depuis trop longtemps. Alors, pour l’instant, tu te contente de sourire à ses mots. « Ah ben, si tu le vois, tu lui diras bonjour de ma part. » Tu fais acte de présence en sortant une des nombreuses remarques ironique mais jamais méchante qui te caractérise tant, au moins, tu ne sembleras pas dans la lune, même si tu ne doutes pas que ton visage laisse transparaître ton absentéisme. « Okay, j’avoue j’ai une sale tête mais .. » Tu la scrute un instant, quittant cette torpeur qui t’habite, tu lui dirais bien qu’elle n’a jamais une sale tête, parce que dans le fond, la guimauve que tu es en sa présence ne lui trouve aucun défaut. Pas même les fêtes à outrance auxquelles elle participe et que tu n’approuves qu’à moitié, tu n’en as jamais réellement touché mot. Tu la regardes se déplacer, venir près de toi en te demandant se qui cache derrière ses mots, son sourire et ses gestes. Parce qu’il y a quelques choses tu n’en doutes pas. « ..je suis là, c’est ce qui compte. » Qu’elle te dis, un doux sourire sur les lèvres avant que tu ne sentes sa main sur ta joue glissant jusqu’à ton menton pour tourner ta tête vers elle. Tu crèves d’envie de lui dire « Si seulement t’étais vraiment là » Mais t’as peur de la vexer, de la faire fuir, et puis tu sais qu’aucun de vous deux n’est vraiment là. Alors tu la fermes, comme toujours, jusqu’à se que tu t’approches pour l’embrasser, comme tu l’aurais toujours fait, comme tu t’imaginais toujours le faire, aucune brutalité, juste une tendresse qui t’es si commune, une douceur qui vous est propre. Et c’est le déclic. En comparaison, vos baisers n’ont pas vraiment grand-chose de similaire aux mois précédents, tu auras beau te voiler éternellement la face, tu verras toujours la vérité t’éclater en pleine gueule. Tu sais que tu veux retrouver ce que vous aviez avant, ou avoir quelque chose d’encore mieux si cela était possible, mais pas ce semblant de relation qui vous lie actuellement. Tu veux Timae comme elle était avant l’été. Pas cette version qui ne semble plus porter le même regard sur toi. T’éloignant légèrement, gardant malgré tout une distance rapproché, tu fixes son regard, tentant de capturer une lueur, même infime. « Maé, y a un truc qui va plus. » Ce n’est même pas une question, pas même rhétorique, c’est une affirmation pur. Et tu sais que, même si c’est toi qui l’a balancé en premier, elle n’en pense pas moins. « Tu sais, je vais pas te faire un monologue mais on peut pas continuer indéfiniment de faire comme si tout était rose alors qu’il est évident qu’on s’éloigne. » Puis comme un con, tu pose la question qui te turlupine depuis quelques temps déjà, juste pour te rassurer, pour savoir. « J’ai rien fait de mal, si ? » Ok. Ca fait cliché et mentalement, tu te fous des gifles. Mais tu n’en fais rien, te contentant de fixer son regard, cherchant une réaction qui te rassurerait, ou même qui t’inquièterait davantage, peu importe, du moment que tu vois un changement, même infime sur son visage.