Tu viens à peine d'emménager à Oceanside, à tel point que la maison est un gros chantier jonchée de cartons même pas déballés parce que tes parents bossent et n'ont pas le temps et que toi, tu as tout bonnement la flemme. Alors forcément, quand tu te lèves de ton lit, tes orteils croisent violemment le chemin des coins de ces cartons, et tu jures. En plus tu es en retard. Tu vas découvrir ce nouveau lycée dans lequel tu vas passer ta dernière année. Tu n'y connais encore personne, mais ça ne saurait tarder puisque tu comptes intégrer l'équipe de basket, et que tu es sûr d'y être accepté. Après une bonne douche, tu te prépares en vitesse et passes en coup de vent devant le miroir histoire de vérifier que tu n'as pas d'épis. Tu descends en quatrième vitesse à la cuisine histoire de manger un bout. Tu penses ne t'arrêter que pour manger une poignée de céréales quand une odeur de pancake arrive à tes narines. Impossible de résister. De toute façon, même si tu es en retard, tu auras toujours la voiture pour te faire gagner du temps. C'est ça qui est pratique dans le fait d'avoir son permis. Tu as fini ton assiette, la bonne te regarde avec les yeux exorbités, l'air de dire « mais comment as-tu fait pour faire tenir tout ça dans ton estomac ? » Du coup, tu passes un peu pour un ogre. Enfin un ogre à pancakes, parce que tu ne manges pas d'enfants .. Tu attrapes les clés de ton 4x4 que tu aimes tant et tu files. Tu allumes le poste avec du Skrillex à fond juste avant de démarrer et c'est parti. De sea village, tu atterris à riverdale neighbors, tu as dû te tromper de chemin pour le lycée, tu es un peu perdu en fait. Tu t'allumes une cigarette histoire de te décontracter. Zen, mon gars. Tu continues de rouler et tu vois une adolescente avancer, alors tu te dis que tu es dans la bonne direction, ce qui te rassure en un sens. Elle te regarde passer, et tu la reconnais immédiatement. Mais qu'est-ce qu'elle peut bien faire là ? C'était en Angleterre quand même .. Alors tu savais qu'elle n'était pas anglaise, mais tu étais bien loin de te douter qu'elle habitait ici. Tu fais demi-tour et ralentis quand tu arrives à son niveau. « Timae ! » Tu baisses le son de ton poste, histoire qu'elle t'entende quand même. « Tu vas en cours ? Monte, je te mène ! »

Tu la hèles, elle se retourne. Elle n'a pas changé d'un poil. Certes, cela ne fait pas si longtemps que ça que tu ne l'as pas vue, mais quand même. Toujours ce même visage angélique, toujours ce regard qui t'a fait craquer à cette soirée. Tu tires une latte de ta clope. « Ravie de te voir aussi ! » Tu sens une pointe, non, c'est même plus une pointe à ce niveau-là en fait, d'ironie dans sa voix. C'est bizarre, elle n'a jamais usé de l'ironie avec toi. Et tu as même du mal à comprendre pourquoi elle a l'air si contrariée de te voir ici. Elle en a même l'air perturbée, déstabilisée. Qu'importe, tu lui proposes quand même de la mener en cours. « Non, figure-toi que je me balade dans l’espoir de croiser un hérisson. » Et allez, encore un peu d'ironie, comme si ça ne suffisait pas. « C'est pas là, alors qu'il fait jour, que tu vas les voir tes hérissons. » Un sourire moqueur apparaît à la commissure de tes lèvres. Tu n'as pas pu t'en empêcher. « Mais c’est gentil de faire acte de charité, je t’en suis reconnaissante. » C'est une blague ? Là mon pauvre, si elle ne cherche pas à t'éviter, que fait-elle donc ? Le lycée n'est vraiment pas à côté, elle est à pied et en retard, et elle refuse que tu la mènes en cours ? C'est du foutage de gueule. Tu soupires. Qu'elle est chiante. Non, vraiment, tu ne comprends pas sa réaction. Et elle continuer d'avancer. Tu avances en même temps qu'elle alors que tu roules à contre sens, mais tu t'en fous. « Allez, tu vas vraiment être en retard. Monte, le supplice durera cinq minutes au pire. » Elle continue de marcher, comme si de rien était, la garce. « Allez putain Maena, fais pas ta gamine comme ça ! » Tu la provoques. Et tu l’appelles Maena, tu sais que ça remontera des souvenirs en elle, parce que tu l'avais appelée comme ça alors que vous étiez pétés, un mix de son prénom et de son nom de famille. Elle aimait bien quand tu l'appelais comme ça, mais ça a certainement changé, puisqu'elle a l'air d'avoir changé du tout au tout en ce qui te concerne. Incompréhension totale. Putain t'aimes pas ça.

« C’est que monsieur semble s’y connaitre en hérissons, tu comptes venir m’aider dans ma chasse ? » Putain, c'est qu'elle est en forme aujourd'hui, elle te clash vraiment sévère depuis les quelques minutes à peine. Tu ne pipes mot. Qu'est-ce que tu aurais bien pu lui répondre après tout ? À trop te prendre pour un con, elle risque de s'en mordre les doigts, ça c'est sûr. Elle n'a pas l'air de se souvenir ce dont tu es capable, il faudra peut-être que tu lui rafraîchisses la mémoire. Sans attendre une seconde de plus, elle continue son chemin. Tu la suis en voiture, tu n'es pas prêt de te laisser faire comme ça. Ce n'est pas seulement une question d'égo, c'est aussi une question de .. bon d'accord, c'est principalement une question d'égo. « Allez putain Maena, fais pas ta gamine comme ça ! » Elle s'arrête net et te fusille du regard. Touché ! C'était obligé qu'elle réagisse, obligé. Elle ne pouvait simplement pas rester de marbre face à ça. Même si après ça elle n'en ressentait pour toi plus que de la haine. Après tout, il n'y a qu'un pas entre la haine et l'amour. Un sourire s'étire sur son visage. « Sústa ! » Tu éclates de rire. Elle a craqué, oui tu réussis à la faire craquer. Tu ris de plus en plus, ce mot te fera toujours rire décidément. Certainement parce qu'elle n'a jamais pu dire « tu m'emmerdes » comme les autres gens, non, elle était presque obligée de te parler dans une autre langue. Ça remonte en toi des souvenirs des moments passés avec elle cet été, tout comme ça les remonte certainement aussi en elle. Tu cesses de rire, tant dis qu'un sourire narquois prend place sur ton visage. Tu lui fais un clin d’œil mais elle a l'air d'être toujours autant sur les nerfs. Décidément, tu ne comprends même pas pourquoi elle t'en veut tant. « Qu’est-ce que tu me veux ? T’en a pas eu assez cet été ? Tes salopes te satisfassent plus, il faut que tu reviennes me pourrir la vie du coup ? Attends, Oceanside en est recouvert, tu devrais trouver ton bonheur, j’ai pas que ça à faire. » Ah, tu comprends maintenant pourquoi elle t'en veut, parce que tu t'en es tapé d'autre qu'elles. Elle avait peut-être imaginé, la première fois que vous aviez couché ensemble, qu'elle était la seule que tu voyais. Enfin, il ne faut pas exagérer non plus, tu ne fais pas dans l'exclusivité. « Arrête ton cinéma un peu ! Je n'ai pas le droit de venir te parler sans idée derrière la tête ? » Ok, tu ne parais peut-être pas très crédible, mais il n'empêche que pour le moment, tu n'as vraiment rien derrière la tête si ce n'est de faire en sorte qu'elle arrête de te faire la gueule. « Putain tu veux pas essayer de te calmer ? Je ne vois pas pourquoi ça te fout en boule de voir que j'habite ici maintenant ! » Tu la regardes, espérant que son regard froid s'attendrisse un peu, ou du moins qu'elle défronce un peu ses sourcils. « Maena .. » que tu souffles avec une voix douce. Tu joues encore sur ce surnom. Ça a marché une fois, peut-être la deuxième aussi. Ou peut-être pas, mais au moins tu auras essayé.

T'en as marre de cette situation. En général, t'aimes bien te bagarrer, c'est vrai, mais pas te prendre la tête avec quelqu'un qui, comment dire, non ben avec quelqu'un, tout simplement. Faire la gueule aux gens, c'est pas ton truc, alors tu acceptes vraiment très difficilement que les gens te fassent la gueule sans raison apparente, comme Timae en ce moment même. Puis tu as l'impression qu'elle ne t'écoute même pas vraiment quand tu parles, ce qui t'exaspère au plus haut point. Tu descendrais bien de ta voiture pour aller de planter directement devant elle pour parler, mais tu sais pertinemment que ça ne changerait strictement rien à la situation. Quand elle a une idée dans la tête, elle ne l'a pas à moitié celle-là. Mais dans le fond, peut-être que si un peu de proximité peut la faire flancher, alors tu parviendras à tes fins. Mais non, tu te ravises et ne sors pas de ton pick-up. Tu plantes tes prunelles dans les siennes. Son regard est encore plus féroce qu'avant. Elle en deviendrait presque effrayante la petite. Tu commences à te bidonner dans ta tête en l'imaginant en fille vraiment méchante quand elle te coupe dans tes pensées. « Non mais attends, t'as pas encore compris que j'avais un copain ? » Tu restes sur le cul. Tu ne t'y attendais pas à celle-là. Un copain. Ben merde, c'est la meilleure. Remarque, cela explique donc cette façon qu'elle a d'essayer de t'éviter et le fait qu'elle refuse de monter dans ta voiture. « Et alors ? Ça t'a pas empêché de coucher avec moi cet été que je sache. Et là, d'un coup tu te réveilles ? » Tes paroles claquent dans l'air. Vas-y, rappelle-lui qu'elle a trompé son copain, continue de la faire culpabiliser un peu plus. Tu roules des yeux, cette fille est un gros foutage de gueule à elle toute seule. « Enfin si c'est ça qui te dérange tant, il n'est pas obligé d'être au courant de quoi que ce soit, tu sais. » Tu parles évidemment de cet qu'il s'est passé l'été dernier, mais aussi de cette conversation, et du fait que -si tant est qu'elle accepte- tu l'emmènes en cours. Enfin, maintenant tu n'as plus tellement d'espoir d'y arriver, ni même d'espoir d'arriver à l'heure pour ta rentrée d'ailleurs, vu l'heure qu'il est.

Tu repenses à un moment que vous avez passé ensemble cet été. Un moment en particulier, la première nuit que vous avez pensé ensemble. Juste après l'avoir sautée, une fois que t'avais enfin obtenu ce que tu voulais, tu t'es tiré. La chose la plus conne que tu aies jamais faite. T'aurais au moins pu dormir avec elle avant de partir, mais non, tu t'es rhabillé et t'es cassé, comme si elle n'était qu'un vide-couilles, un vulgaire jouet qui ne sert qu'à assouvir tes besoin et tes envies. Tu t'en rends compte, maintenant à quel point t'as été con ? Bien sûr que oui. Le dégoût et la haine que tu vois dans son visage à l'instant même te rappelle cette même expression qu'elle avait ce soir-là. Avec de la déception en plus. Sur le coup, ce ressentiment à ton propos ne t'avait strictement pas touché, tu n'en avais absolument rien à faire. Mais maintenant c'est différent. Sans pour autant avoir ne serait-ce qu'une once de culpabilité, tu te sens mal. La colère t'envahit rapidement. De quel droit te regarde-t-elle de cette façon ? Mais pourtant, cet été, après l'avoir plantée et ne pas lui avoir donné de nouvelle durant une semaine, quand tu lui as demandé à la revoir, elle a accepté, sans hésiter. Elle était même ravie de te revoir. Elle a craqué si facilement, sans que tu n'aies quoi que ce soit de particulier à faire ou à lui dire. Alors pourquoi cela ne marcherait-il pas aujourd'hui encore ? « Enfin si c'est ça qui te dérange tant, il n'est pas obligé d'être au courant de quoi que ce soit, tu sais. » Elle s'approche de toi férocement, tu crains le pire. Et sa main s'abat sur ta joue qui te brûle. Elle t'a giflé. Se rend-elle compte de ses actes ? « Ce que tu peux être con ! » Même sa voix transperce la haine. Alors qu'elle tourne les talons et continue d'avancer, tu coupes le moteur, sors de ton pick-up et le ferme à clé. Tu la suis, accélérant un peu le pas pour la rattraper. Tu l'attrapes par le poignet, la retourne vers toi et l'embrasse fougueusement, y mettant tout ta passion. Tu ne sais pas comment elle va réagir, tu ne peux pas le deviner, mais soit elle te tèje et te frappe encore, soit elle craque et te rend ton baiser. Doucement, ton baiser devient tendre et doux. T'as craqué toi aussi, putain ce qu'elle peut te faire de l'effet. Dans le fond, t'as jamais vraiment compris ce qui pouvait t'attirer à ce point chez elle. Ça ne se joue pas seulement sur son physique, mais cette attraction te brûle de l'intérieur.