under pressure - rory

Il m'arrivait régulièrement de me demander le tournant que ma vie aurait pris si je n'avais pas eu à me confronter à la guerre civile, ni à perdre ma mère et encore moins à changer totalement de continent. Le fait de quitter mon pays a fait partie et ce sans le moindre doute, des choses les plus difficiles à surmonter malgré les horreurs que j'ai pu voir durant mes nombreuses années là-bas. En rien la ville d'Oceanside possédait un quelconque point commun avec la capitale de l'état Indien et ces différences ne parvenaient pas faciliter mon intégration. Cependant, il était tout de même possible de noter que j'étais capable des efforts, certes minimes, mais des efforts malgré tout. Même si j'avais pour habitude de fuir la foule de gens comme la peste, je n'avais pas mis bien longtemps à comprendre qu'il était préférable que je parvienne à contrôler et mettre de côté mes doutes et ma méfiance qui ne cessaient de me faire défaut. Je venais de me rendre au beachside grill sans véritable raison étant donné que je n'avais personne à retrouver et que je n'avais pas particulièrement faim non plus. C'était avec une grande attention que je scrutais les moindres recoins de cet endroit, repérant une table libre vers le fond de la salle que je m'empressais de rejoindre. C'est dans ce même empressement que je vins me percuter de plein fouet à je ne sais qui, je n'eus d'ailleurs aucun mal à l'entrainer dans ma chute. Complètement sonnée, je ne perdis cependant pas de temps pour reconnaitre la personne sur qui j'étais écroulée comme une sous-merde. « Oh putain, fallait que je tombe sur toi, je manque cruellement de chance, ce n’est pas comme ci je te portais dans mon cœur en plus... Mais bon, pour une fois tu auras été utile à quelque chose : amortir ma chute. » Lançais-je en fixant Rory, le sourire aux lèvres. « Désolée quand même. » Bien que je ne puisse littéralement pas le piffrer, je ne pouvais tout de même pas laisser mes bonnes manières de côté et mon éducation avait fait de moi une personne plutôt polie et respectueuse ou tout du moins dans la grande majorité des cas. Pourtant, Dieu sait à quel point je ne supporte pas cet abruti et que cette constante envie de lui mettre ma main en pleine figure devient de plus en plus impossible à gérer et canaliser. Ce mec était pire que têtu et ne semblait pas pouvoir faire abstraction de sa quotidienne envie de me passer dessus en premier et d’inaugurer mon entre-jambe, pourtant il allait bien falloir qu’il finisse par lâcher l’affaire car je n’étais pas du genre grosse chaudasse et que je tenais à mes principes. Ce n’était très certainement pas ce petit con qui allait parvenir à faire changer quoi que ce soit sur ma façon de penser même si certes, il était bien loin d'être laid.

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« Just hold me close, don't patronize. Don't patronize me. Cause I can't make you love me if you don't »

J’étais le genre de gars asocial qui se retrouve seul assis à une table d’un des endroits les plus branchés du coin. Autant dire que je frisais le masochisme pour le coup. Il n’y avait pas de meilleur moyen pour se faire remarquer et encore un peu plus exclu que de m’installer à une table, sortir des partitions, prendre un café, écouter de la musique et bosser un peu. Mais voilà, mon père était chez moi, pour une fois et j’avais horreur plus que tout de le voir s’immiscer dans ma vie. Je n’avais pas trouvé d’autre endroit où venir me cacher. Dans un sens c’était assez triste, que ma vie se limite à fuir mon père, je n’avais pas de grande histoire, je n’avais pas vraiment vécu. J’étais un gars banal, pareil au papier peint de l’histoire de cette ville. J’étais présent, mais on ne me remarquait pas, je faisais partie du décor et dieu que ça pouvait être rageant. Une fois mon café fini, mes partitions pleines de ratures et le sentiment d’avoir vraiment besoin de prendre l’air présent, je me levais et rangeais toutes mes affaires. Posant la lanière de mon sac sur mon épaule, je changeais de chanson sur mon Ipod et me dirigeait vers la sortie sans un regard à la table que je laissais vide derrière moi. Me dirigeant vers la sortie, quelque chose me percuta de plein fouet. Par reflexe, je tentais de rattraper la personne qui venait de me heurter pour qu’elle reste sur ses pieds, je n’avais juste pas prévu qu’elle m’entraînerait dans sa chute. C’est comme ça que je me retrouvais allongé de tout mon long au sol avec quelqu’un sur moi au milieu du beachside grill. Autant dire que ça ne m’aidait pas vraiment à ne pas me faire remarquer. « Oh putain, fallait que je tombe sur toi, je manque cruellement de chance, ce n’est pas comme ci je te portais dans mon cœur en plus... Mais bon, pour une fois tu auras été utile à quelque chose : amortir ma chute. » Ouvrant les yeux en reprenant mes esprits, je remarquais que c’était bel et bien Scar qui s’était étalé sur moi après m’avoir entraînée dans sa chute. « Désolée quand même. » Me redressant, je passais une main dans mes cheveux en la fixant silencieux quelques instants avant de ramasser mon sac et dire : « Tu fais preuve d’une sympathie à toute épreuve en tout cas. Tu te sers de moi comme carpette et tu arrives à te plaindre. » Levant les yeux au ciel comme si j’étais véritablement outragé par sa réaction, je les reposais sur la belle après quelques instants pour rajouter : « Je pense que tu pourrais t’excuser un peu mieux, je sais pas… si on allait dans les toilettes par exemple. » Lui offrant un sourire carnassier, j’étais tenace quant à son cas. Que ça me prenne du temps n’était pas un problème, mais j’allais finir par arriver à la dépuceler. Tôt ou tard la jeune femme allait finir par fondre sous mon charme, elle était juste un peu tenace.

« Tu fais preuve d'une sympathie à toute épreuve en tout cas. Tu te sers de moi comme carpette et tu arrives à te plaindre. » Même si je ne l'appréciais pas particulièrement, mon sourire n'avait tout de même pas déguerpit, je restais silencieuse étant donné que je savais d'office qu'il n'allait pas s'arrêter là. « Je pense que tu pourrais t'excuser un peu mieux, je sais pas... si on allait dans les toilettes par exemple. » A force, je n'étais plus surprise et outrée par son comportement, il était tellement prévisible que cela en devenait lassant. Je vins m'approcher de lui, relevant doucement mon visage pour que nos lèvres s'effleurent tandis que mes mains s'étaient déjà faufilées sous son haut, caressant son torse du long des doigts et cela malgré l'endroit dans lequel nous nous situons à cet instant précis. « Tu peux crever. » Lançais-je en le bousculant pour me reculer de lui, cessant tout contact par la même occasion. « Tu crois quoi ? Que je vais écarter les cuisses pour tes beaux yeux ? Arrête d'agir comme un connard, ça sonne tellement faux. Je ne suis pas complètement stupide tu sais, tu crois te protéger en agissant comme ça, tu veux garder ta réputation de bâtard uniquement car ça te montre comme étant quelqu'un de fort et sans problème. Mais tu veux que je te dise Selva ? Tu me donnes la gerbe, tu ferais mieux de te trimballer constamment avec une bassine à la main et tu sais pourquoi ? Car je trouve ça déplorable, tu te mens à toi-même et je suis prête à parier que tu n'es pas celui que tu prétends être. Tu penses tromper les autres grâces à tes airs de je m'en foutisme, mais avec moi, ça ne fonctionne pas, j'ai bien trop d'expérience pour me laisser berner par une personne de ton genre. Quoi qu'il en soit, tu peux être sûr d'une chose, jamais ô grand jamais tu auras l'occasion de me perforer l'hymen, alors passe à autre chose ou bien va te branler, parce que moi, je ne suis pas le genre de fille que tu peux baiser et te permettre de jeter et considérer comme une véritable merde uniquement pour te permettre d'entretenir ta réputation de dépuceleur du coin. » C'était sans aucun doute la première fois que je me permettais de le remettre à sa place de cette manière, mais je n'en été pas peu fière. Cela dit, je n'avais strictement aucune idée de la façon dont il allait réagir face à mes propos, j'espérais juste avoir visé bon, mais ça, j'en étais presque certaine et cela, sans vouloir me vanter bien entendu.

Je me demandais ce que la jeune femme avait bien pu prévoir en s’approchant de moi un léger sourire aux lèvres. Justement, j’étais quand même étonné de sentir ses lèvres frôler les miennes alors que ses doigts commençaient à caresser mon torse à même ma peau. On était quand même dans un lieu public, mais ça ne me dérangeait pas. La suite des évènements au contraire me dérangea beaucoup. « Tu peux crever. » La laissant me bousculer sans bouger, je n’en étais pas moins déjà un peu énervé. Énervé par ses grands airs, par le fait d’être encore repoussé, par cette impression cuisante de n’être encore qu’un jouet dans les mains d’une autre personne. Serrant les dents, je la fusillais du regard tachant de contrôler l’élan colérique qui menaçait de me prendre et ainsi retenir cette envie soudaine de la gifler. Mais je ne levais pas la main sur les femmes, j’avais aussi des principes, bien que ces derniers semblaient tout à fait inexistants. Le monologue que Scar entama ensuite n’eut en aucune manière le don d’apaiser l’élan violent qui semblait vouloir me prendre. Crispé jusqu’à mon paroxysme, je la fixais froid et distant, à croire que ce qu’elle disait ne me touchait absolument pas. Sauf que derrière la carapace, les choses étaient tout autres, c’est pas toujours facile d’assumer les coups. C’est même très souvent très compliqué, on croit en être capable, mais rien n’est plus dur que d’affronter la vérité. Encore plus lorsque cette vérité s’attaquait aux piliers sur lesquels reposait votre vie. Prenant une longue inspiration, j’oscillais entre l’envie de partir sans un mot histoire de finir sur ce point l’humiliation, même si ça revenait à repartir comme un chien la queue entre les jambes, ou bien à me débattre, dire ce que je pensais et ne pas me laisser mettre à terre sans réagir. J’avais une grande gueule, ça se savait, je disais souvent des conneries, mais moi aussi j’étais capable de l’ouvrir et dire des choses sensées, même si la plupart du temps je faisais tout pour que ça ne se sache pas. « Parce que tu penses être mieux mademoiselle je suis trop bien pour qui que ce soit ?! C’est vrai que finir seul c’est toujours mieux que de finir comme moi. Je m’excuse de jouer le jeu comme tous les enfoirés de cette ville, c’est vrai quoi, c’est tellement mieux d’être un bon gars dans cette ville. » J’avais une sérieuse envie de démonter la gueule du premier imbécile que j’allais bien pouvoir croiser. Juste pour faire sortir ce trop plein de colère qui me prenait à la gorge et semblait m’empêcher de retrouver mon air. « Tant qu’on y est, excuse-moi encore de ne pas avoir la patience d’essuyer tes sermons, mais je trouve que la connerie dans le monde est déjà assez présente que pour en plus subir la tienne. » Posant ma main sur la lanière de mon sac cette dernière se crispait alors que je repartais vers la sortie bousculant la jeune femme au passage. C’est pas facile d’être percé à jour, de voir les masques tomber, bien souvent on se sent nu, frêle et esseulé.

« Parce que tu penses être mieux mademoiselle je suis trop bien pour qui que ce soit ?! C'est vrai que finir seul c'est toujours mieux que de finir comme moi. Je m'excuse de jouer le jeu comme tous les enfoirés de cette ville, c'est vrai quoi, c'est tellement mieux d'être un bon gars dans cette ville. » Je souriais, totalement satisfaite de mes propos dit précédemment et qui avaient eu l'effet escompté, même s'il semblait vouloir se contenir je pouvais constater sans la moindre difficulté que l'envie de m'en décoller une était en train de le démanger. « Tant qu'on y est, excuse-moi encore de ne pas avoir la patience d'essuyer tes serments, mais je trouve que la connerie dans le monde est déjà assez présente que pour en plus subir la tienne. » Même si à ce moment précis, j'étais pire que fière d'avoir réussi à le mettre hors de lui, j'étais tout de même attristée de le voir ainsi. Je n'eus pas le temps de répliquer quoi que ce soit qu'il venait de me bousculer, empruntant la sortie pour pouvoir ainsi déguerpir au plus vite. Je n'étais pas décidée à le laisser filer ainsi et je comptais bien remuer le couteau dans la plaie afin d'en crever l'abcès et cela, sans plus attendre. Je pris alors la même direction que lui, pressant mes pas afin de le rattraper au plus vite. Je finis par saisir son bras, le stoppant net dans sa marche pour me permettre de reprendre la parole : « Qu’est-ce qui te permet de croire que je me juge comme trop bien pour qui que ce soit ? Ne vas pas inventer des choses que je n’ai jamais été dire. Je suis une fille des bidonvilles indiens, tu crois qu’une misérable peut se considérer comme supérieure et meilleure que les autres ? Bien sûr que non, alors avant de dire de telles conneries, réfléchis un peu, je suis persuadée que tu n’es pas si con que ça. » J’étais en train de me dévoiler, avouant mes origines alors que je passais mon temps à les cacher, bien trop honteuse d’assumer ma provenance. Il était clair que j’étais extrêmement mal placée pour me sentir meilleure que les gens qui m’entouraient, mon passé et mon mode de vie ne pouvait en rien me le permettre. Je me sentais juste différente, presque exclue et cela n’avait rien de bon. Je n’étais pas le genre de personne à me mettre misère à la moindre soirée, ni à consommer les drogues dures, je n’avais rien en commun avec ma propre génération, j’étais vieux jeu, un peu trop mature. J’ai été contrainte de grandir trop vite, de sauter mon enfance et d’apprendre à vite être indépendante à l’âge où j’aurai dû encore m’amuser avec des poupées. Contrairement aux autres, je n'avais pas eu l'occasion de profiter de l’insouciance et de l'innocence de l'enfance.

J’avais été heurté, dans mon for intérieur je pouvais bien l’admettre, mais face à Scar ou n’importe qui il s’agissait d’une toute autre histoire. J’étais plus dur et plus fort que la vérité, cette dernière ne pouvait pas m’atteindre, pas après tous les efforts que je faisais pour l’ignorer. Alors, oui, je préférais éviter la conversation, je préférais m’en aller tant que je ne laissais pas un peu de moi s’écraser au sol, c’était plus simple comme ça. Me dirigeant vers la porte, je comptais bien sur le fait que la jeune femme voudrait profiter de mon absence histoire de boire un café ou faire je ne sais pas quoi qu’elle avait prévu ici. Pourtant, ses doigts se refermèrent autour de mon bras m’empêchant d’aller plus loin, me forçant à reporter mes yeux au niveau des siens. « Qu’est-ce qui te permet de croire que je me juge comme trop bien pour qui que ce soit ? Ne vas pas inventer des choses que je n’ai jamais été dire. Je suis une fille des bidonvilles indiens, tu crois qu’une misérable peut se considérer comme supérieure et meilleure que les autres ? Bien sûr que non, alors avant de dire de telles conneries, réfléchis un peu, je suis persuadée que tu n’es pas si con que ça. » Levant les yeux au ciel, je soupirais un peu las par le fait d’être reprit sur mes mots pareil à un enfant. « Et toi arrêtes de jouer les débiles, on sait très bien tous les deux que nos origines ne définissent pas ce que nous sommes. » Je n’avais même pas sourcillé en l’entendant parler de bidonvilles, du fait qu’elle se considérait comme une misérable. Les mots m’avaient touché sans jamais m’atteindre, une déformation de ma part dû à toutes les conneries que je faisais. J’étais capable d’écouter tout et n’importe quoi sans jamais m’émouvoir. « Puis, je pense que t’es assez intelligente pour savoir que tu vaux certainement plus que les sous-merdes qui habitent cette ville. » Et pour y avoir des déchets humains, il y en avait, à croire qu’on vivait à la décharge. Un lieu où se pressaient des corps animés de la simple envie de se foutre en l’air. Je savais que je faisais partie de cette masse abrutie par les médocs, les drogues et l’alcool, mais je me portais plutôt bien. J’avais trouvé mon équilibre et même si je ne faisais pas partie de la grande famille des populaires je n’étais pas pour autant invisible. J’étais à ma place, perdu dans le berceau de la connerie du monde à me mettre le nez dans la poudreuse pour oublier l’horreur de ma situation.

« Et toi arrêtes de jouer les débiles, on sait très bien tous les deux que nos origines ne définissent pas ce que nous sommes. » Un léger sourire vint s’emparer de mes lèvres face à cette phrase totalement juste, comme quoi, il était pas si abruti lorsqu’il le voulait, c’était d’ailleurs l’une des rares fois où je l’entendais prononcer quelque chose de censé, il faut dire que j’étais plutôt habituée à ses avances plus ou moins lourdes « Certes, mais je ne pourrai jamais oublier d’où je viens à la base. Alors ne viens pas jouer le mec vexé en me balançant que je me crois meilleure que les autres, mais bon, pour une fois que tu ne dis pas un truc totalement faux et con, je crois que c’est un exploit. » Je restais tout de même souriante, mais il ne fallait pas croire que j’allais le considérer comme quelqu’un de bien du jour au lendemain, il restait tout de même à mes yeux le gars le plus chiant que je connaissais, mais je pense qu’il ne devait pas en penser moins à mon sujet. « Puis, je pense que t’es assez intelligente pour savoir que tu vaux certainement plus que les sous-merdes qui habitent cette ville. » Il était plutôt question de maturé dans ce cas-là. Je n’étais pas fanatique des soirées et mon unique vice était très certainement le fait que je fumais des joints de manière plus ou moins quotidienne, j’étais un véritable enfant de chœur par rapport aux autres individus peuplant cette ville. « Pourquoi est-ce que tu agis comme eux alors sachant que toi-même tu les considères comme des sous-merdes ? Tu peux continuer ton numéro avec les autres, mais pas avec moi. Puis avoue que t’es pire que vexé et énervé là, ça sert à rien de faire croire que tu encaisses tout, parce que personne n’en est capable. » Je le fixe droit dans les yeux, le sourire toujours aux lèvres car depuis le début je visais juste et bien que je sois plutôt modeste, il faut avouer que j’aimais tout de même avoir raison. « L’envie te démange de m’en décoller une non ? » Je semblais amusée par la situation, jouant presque avec. C’était sans aucun doute la première fois que j’avais une telle conversation avec lui mais surtout que je me permettais d’être aussi honnête avec quelqu’un depuis mon arrivée sur le continent américain. Habituellement, je préférais la discrétion ainsi que le fait de rester silencieuse même lorsque les gens étaient bien plus qu’exaspérant à mes yeux, mais aujourd’hui, j’étais allée contre mes habitudes et mine de rien, ça fait du bien d’ouvrir sa gueule.

Scar avait ce don inimitable de me mettre hors de moi. Déjà le fait qu’elle trouve toujours quelque chose à répondre à ce que je disais n’était pas le meilleur moyen de me garder calme. Mais surtout qu’elle le faisait en appuyant là où ça fait mal, n’avait vraiment pas tendance à rendre les choses plus faciles. Occultant ses paroles, je tâchais de ne pas penser au petit sourire à la con qui semblait ne pas vouloir se décrocher de ses lèvres histoire de ne pas péter un plomb. D’où l’on vient ne nous aide en rien à savoir où l’on va. J’avais beau avoir de bonnes racines, une base solide pour avancer, il n’empêchait que j’étais perdu à la croisé des chemins. C’est con de se foutre en l’air quand on n’a pas vraiment de raison, mais bon, il parait que la cause du traumatisme n’en explique pas la gravité. Au fond, on est juste une génération d’attardés, normal qu’on se perde tous dans des soirées on nous a jamais appris à rêver plus loin que ça. « Pourquoi est-ce que tu agis comme eux alors sachant que toi-même tu les considères comme des sous-merdes ? Tu peux continuer ton numéro avec les autres, mais pas avec moi. Puis avoue que t’es pire que vexé et énervé là, ça sert à rien de faire croire que tu encaisses tout, parce que personne n’en est capable. » Mes yeux plantés dans les siens, je fronçais les sourcils avant de répliquer glacial : « Je suis pas n’importe qui. » Pourtant, malgré cela, j’étais vraiment énervé et si ça n’avait pas été une femme j’aurais déjà encastré son visage dans le mur. Seul mes principes m’empêchaient de le faire et il valait mieux qu’elle ne joue pas trop avec moi car je ne portais pas toujours autant d’attention à mes principes. « L’envie te démange de m’en décoller une non ? » Ma mâchoire crispé, mon regard de glace, je la fixais silencieux sans répondre à sa question. Il fallait dire que c’était écrit sur mon front à quel point l’envie de lui foutre une claque me démangeait. Seul problème, on était en public et même si j’en avais rien à faire des rumeurs qui tournaient autour de moi, je n’étais pas du genre à me foutre de toutes les actions que je pouvais poser. Prenant une grande inspiration, je me recomposais un visage avenant totalement factice avant de dire en détachant clairement mes mots : « Tu as tout à fait raison, mais même le pire des enfoirés à quelques limites. Remercie le ciel ou tes parents d’être une pisseuse. » Je n’étais pas du genre à posséder un quelconque sang-froid et la jeune femme ne se rendait certainement pas compte de la difficulté que ça représentait pour moi de rester calme. J’avais un caractère plus emporté et face à n’importe quel mec j’en serais déjà venu au main, mais voila, il ne s’agissait pas d’un mec. Et même si j’agissais toujours comme un con, je n’étais pas ce genre de con. « Maintenant tu peux me ficher la paix parce que je risque pas d’avoir des limites encore longtemps si tu continues à l’ouvrir. »

« Je suis pas n'importe qui. » Je le fixe une nouvelle fois, répliquant presque automatiquement, toujours le sourire aux lèvres : « Ah bon ? Pourtant tu ne te démarques pas des autres. » Je ne cessais d'envenimer les choses et j'en étais consciente. Je prenais un malin plaisir à le pousser à bout étant donné que je savais pertinemment qu'il n'allait pas tarder à craquer, ce qui était mon but d'ailleurs. « Tu as tout à fait raison, mais même le pire des enfoirés à quelques limites. Remercie le ciel ou tes parents d'être une pisseuse. » Mine de rien, il possédait un sang-froid plutôt remarquable et j'en étais quelque peu surprise, mais il faut dire que le fait que je sois une femme jouait très largement en ma faveur. Il était clair que si j'étais un homme, je me serai prise son poing en pleine figure et cela depuis plusieurs bonnes minutes. Ce n'était pas plus mal ailleurs, car même si je ne cessais de le provoquer, je tenais malgré tout à ce que mon visage reste intact. « Maintenant tu peux me ficher la paix parce que je risque pas d'avoir des limites encore longtemps si tu continues à l'ouvrir. » J'approchais du but je commençais déjà à en jubiler, mon regard toujours en sa direction, je l'observais toujours attentivement, attendant plus ou moins patiemment de le voir craquer. « Je ne compte pas te lâcher c'est dommage. Les mots te manquent à ce point-là ? » J'avais, je crois, un peu de mal à me rendre compte que même s'il était capable de rester calme, il pouvait aussi m'en décoller une lorsqu'il aura perdu l'intégralité de son sang-froid et qu'il ne sera peut-être plus en état de se contrôler à force d'encaisser toute cette colère à mon égard. « Admets juste que j'ai raison, c'est tout. » J'avais besoin de l'entendre dire que j'avais visé juste depuis le début et ça, même si ça lui arrachait la gueule de l'avouer. Il faut dire que la plupart des gens n'apprécient guère le fait que d'autres puissent lires en eux aussi facilement, ce qui était également mon cas d'ailleurs. Rares sont les gens qui ne cachent rien aux autres, on a tous un masque plus ou moins lourd à porter mais qu'on veille à garder et la déstabilisation est grande lorsqu'on échoue dans cette tâche. « Mais tu es peut-être bien trop fier pour vouloir le reconnaitre ? » J'insistais encore et encore, cela en devenait presque amusant d'ailleurs.