« Anja, tu devrais m’aider pour le repas. Vraiment, tu exagères ! Il est dix heures, tu devrais te lever ! Anja ! » Je sens des bras me secouer, la lumière du jour venant directement éclairer mon visage après qu’elle ait ouvert les rideaux comme une forcené. Bordel, c’est quoi son problème ? Il est dix heures, dix heures du matin. J’ai travaillé hier soir, moi. Je suis rentrée à quatre heures – parce que j’ai fait des heures supplémentaires à base de shooters avec un type qui ressemblait à Jésus. Donc, j’aimerais vraiment pouvoir dormir, alors si pour elle le sommeil doit s’arrêter à huit heures du matin, eh bien ce n’est pas mon avis. Je m’enfonce un peu plus sous ma couette, me cachant ainsi du Soleil et aussi de la grosse tarée qui me sert de mère. Qu’elle aille faire chier Kaspar, bordel, mais pas moi. Je ne crois pas lui avoir fait quoi que ce soit pour mériter ça hier, alors qu’elle aille voir ailleurs si j’y suis. Je grogne alors qu’elle tente de dégager ma couette, accrochant mes mains de façon à la garder au-dessus de moi. « Tu permets ? Y a des gens qui essaient de dormir. Je m’en fous de ton foutu repas, je n’ai pas demandé aux gens de venir, alors tu serais mignonne de ne pas m’inclure dans les préparatifs de tes idées de diner à la con, d’avance merci. » Je retire la couette quand je commence à lui annoncer ma façon de penser quant à son idée de repas de famille. Je m’en tape de leur parler à tous, je veux dire, je me porte pas si mal à faire mes trucs sans avoir l’avis de la famille. Ils ont tous tendance à me taper sur le système en moins de dix minutes – et encore, quand Kaspar décide rester dans ce combat avec moi, ça peut passer. Et de toute façon, je vais l’obliger à ne pas sécher sur celui-là. Ma mère me regarde, offusqué, je lui fais un faux air outré en réponse à son expression faciale avant de lui tourner le dos pour me rendormir. Je l’entends claquer la porte ; malpolie, Satan t’accueillera en Enfer pour t’apprendre à fermer les portes comme une personne calme. Enfin bref, je tente de me rendormir, vainement. Je me redresse, ouvre mon tiroir pour sortir mon paquet de clopes, en attrapant une pour finalement la poster entre mes lèvres pour l’allumer et en prendre une bonne taffe. J’ouvre la fenêtre, me cale sur le rebord et expire la fumée à l’extérieur. Je sens que le repas va être à chier, comme d’habitude. Quoi que, parfois, ça prend un tout autre tournant vu le tas de conneries qu’on peut sortir, Kaspar et moi quand on est dans la même place dans le simple but de faire chier la sorcière.

Un jean, un débardeur et je me rends dans le salon. Je remarque qu’elle a mis le couvert ; que c’est moche. Et qu’elle me lance un regard haineux, alors je lui souris, assez fière. « Tu devrais aller réveiller Kaspar, il est 11 heures 30 et ils vont bientôt arriver. Je suis sûre qu’il a encore bu, assure-toi qu’il descende dans un état potable. » Me dit-elle, dans un flot de parole où je comprends juste que je dois aller réveiller mon frère. Evidemment, c’est moi qui dois faire quelque chose d’aussi bas que ça. Mais il vaut mieux que ça soit moi qu’elle. Je me dirige vers sa chambre, ne frappe pas à la porte avant d’entrer. Je le regarde dormir pendant quelques secondes en réfléchissant à un moyen pas trop agressif de le réveiller… je n’en trouve aucun. Tant pis. Je lui lance un magazine sur la gueule en attendant une réaction de sa part, il ouvre les yeux, surpris, les refermant. « Tu dois bouger ton gros cul, elle gueule. Il y a tout le monde qui va arriver et cette fois-ci, je t’autorise pas à te casser, donc tu vas venir endurer ça avec ta sœur, parce qu’elle est foutrement adorable. Je sais que t’as pas écouté la moitié de ce que je viens te dire, mais je te répète le principal : sors de ton pieu, fous un jean et un t-shirt et tu viens les supporter avec moi. » Je soupire en finissant mon monologue, remarquant un joint pas terminé à côté de sa lampe. Je l’attrape entre mes doigts avant de l’allumer pour tirer une latte dessus, m’asseyant sur le sol pour échapper à la montée de stress dans la tarée à l’idée qu’ils vont arriver et qu’il est probable – très fort probable même, qu’on lui foute la honte. Je tends le joint à Kaspar qui l’attrape. Je me dis qu’il va y avoir nos cousins ; on en a deux. L’un d’entre eux est un robot qui pense que les cours sont une bénédiction et l’autre est con comme ses pieds. Il a huit ans, le deuxième, alors il se croit trop irrésistible, or ce n’est pas le cas. Faible considération envers des membres de ma famille, mais je m’en branle. Celui qui pense que les cours sont un don du Seigneur nous méprise, à mon frère et moi, parce qu’on n’en a rien à foutre des cours et encore plus depuis qu’on a arrêté le lycée. Or, pour lui, c’est inadmissible, mais n’a pas compris qu’il est encore plus con que nous à penser que la société lui portera la moindre attention supplémentaire à cause d’un diplôme de plus. Bref. « Non sérieux, t’appuies sur l’accélérateur ou on dort là ? » Dormir ne me poserait aucun problème en vrai.