Je ne cessais de creuser ma solitude, cette habitude de rester loin des autres, complètement enfermée, plus par peur que par insociabilité. Préférant repenser aux souvenirs de ma vie au sein des bidonvilles indiens, je m'estimais d'ailleurs heureuse de ma vie actuelle et ce malgré le piteux appartement dans lequel je demeurais. Je n'avais plus à me confronter quotidiennement aux cadavres mutilés jonchant les rues des quartiers pauvres de Bombay et ce n'était bien évidemment pas pour me déplaire. Cependant, j'étais désormais au sein d'une société qui n'était pas la mienne, d'un monde de débauche auquel je n'appartenais pas et je ne parvenais pas réellement à m'intégrer. J'étais bien trop méfiante pour sympathiser facilement avec les gens et je n'avais en rien le comportement et les habitudes des jeunes filles de ma génération, cela dit, je ne voulais en aucun cas partager ce genre de quotidien. Malgré mes réticences face au monde extérieur, je savais tout de même faire des efforts pour m'évader du confinement que je m'infligeais et aujourd'hui en était la preuve. Je venais de me rendre au café se situant à la plage phare d'oceanside et ce malgré le fait que je savais d'office que les individus y étaient en abondance. Évidemment, il y avait une raison à cela, j'avais pour objectif de rejoindre quelqu'un, une personne qui était parvenue sans le moindre effort à m'ôter de mes craintes et de mes doutes, sans que je sache réellement pourquoi. Mushu était très clairement la personne envers qui j'avais le plus d'affection, je ne saurai expliquer les raisons de ma sympathie envers lui, mais je pouvais tout simplement dire que je l'appréciais, bien plus que ce je voulais m'autoriser au début. Je n'eus aucun mal à le reconnaitre à l'intérieur du café, il était actuellement en train de jouer, je n'avais aucune idée de s'il m'avait repéré, mais je n'avais tout de même pas pu m'empêcher de lui adresser un bonjour de la main, le sourire aux lèvres. Avec lui, j'étais vraiment moi-même, c'était d'ailleurs assez surprenant, il m'intriguait énormément et je me sentais totalement en confiance malgré tout. Je ne le considérais pas comme un ami, c'était quelque chose de totalement différent et que je ne pouvais nommer. Je vins m'installer, un peu plus reculée des autres comme pour me préserver, tandis que mes yeux étaient rivés en direction de Mushu que j'observais attentivement, et ce bien qu'un serveur vint me questionner pour savoir ce que je désirais consommer. « Un café s'il vous plait » gratifiant ma demande d'un sourire par la même occasion.

L'après-midi aboutissait lentement à son terme, laissant un soleil tamisé derrière lui. Malgré la fin de la journée, la plage n'en restait pas moins peuplée. Des familles, des bandes de jeunes, des vieux couples et les éternels loups solitaires s'y plaisaient comme en été, respirant l'air marin avec engouement. Mushu profita un instant du sable tiède sous ses pieds et du ballet de brises qui s'échouait contre sa peau, les yeux clos, les narines humectant l'iode qui s'effritait dans l'air. Enveloppé dans un cocon de bien-être, le jeune Potter était bien là. Loin des soirées de débauche, des soucis familiaux, des études, tout était loin. Seule la beauté du paysage comptait, et la mélodie qui en scintillait. Un air de B.B. King ravit ses oreilles, lui arrachant un sourire béât. Il étendit ses bras à l'horizontal pour savourer pleinement le moment présent, bombant sa poitrine. « Hey Mush'! Tu ramènes ton cul? » Un soupir franchit la barrière de ses lèvres, ses épaules s'affaissèrent de résignation. Tout idylle avait une fin, le sien venait de s'abattre en une fraction de secondes. Il rejoignit Marley à l'intérieur du café et glissa son bras derrière la lanière de sa guitare avant de s'installer sur un tabouret, légèrement en hauteur sur un semblant de podium. Il commanda un café et commença à gratter sa belle, un regard complice vers son partenaire qui jouait un air de saxophone. Dès les premières notes, il se sentait littéralement transporté dans un autre monde. C'était euphorique. La musique, c'était sa plus grande passion, son septième ciel. Un sourire ourla ses lèvres, bercé dans les limbes musicales, flirtant avec les plus grands artistes que la Terre ait connus. Depuis combien de temps il grattait? Il n'aurait su le dire, mais il capta instantanément un regard qui le fit frémir. Une langue acide vint lui picoter les extrémités des membres. Il lui adressa un large sourire, finissant en beauté sa musique avant de s'octroyer une petite pause bien méritée. « Salut ma belle » Il prit ses aises et s'installa en face avant de commander un cappuccino au serveur, un petit nouveau qui s'appelait « Foxley » s'il avait bonne mémoire. Leur commande ne tarda pas à arriver, accompagnée de la petite notice. « Alors, on vient piquer une petite pause café? J'espère que ma musique pourrie ne t'a pas trop assommée? » Scar était loin d'être comme les filles qu'il fréquentait au bahut, elle était différente, et c'est cette différence qui avait éveillé son intérêt. Avec elle, il se sentait bien, comme dans un lit de plumes, avec des saveurs douces et parfumées à côté. Il avait l'impression d'être complet, loin du mec qui jouait la comédie à ses parents, du mec dévergondé qui savait pas tenir l'alcool. Sa simple présence suffisait à lui rendre le sourire. Elle était un peu comme son rayon de soleil, ou une soupe chaude en hiver, un bisou magique sur une plaie, un câlin.

« Salut ma belle » Ces mots à peine prononcés qu'un immense sourire venait d'envahir mes lèvres, mes craintes venaient de s'envoler et j'avais l'impression d'être libérée d'un poids immense. Je me sentais bien et cela, sans raison relativement apparente, ce qui était d'ailleurs assez déstabilisant. Son regard orienté vers moi, je baissais timidement les yeux en direction de ma tasse, presque incapable d'affronter son regard sans me mettre à sourire comme une fille niaise et idiote. « Alors, on vient piquer une petite pause-café ? J'espère que ma musique pourrie ne t'a pas trop assommée ? » Je pris à ce même moment un air des plus sérieux « Justement si, c'était vraiment naze. Tu ne peux pas savoir le bien que ça me fait de ne plus t'entendre jouer. » J'étais cependant une piètre comédienne et je ne parvenus pas à retenir mon envie de rigoler bien longtemps. J'étais finalement en train de prendre mes aises, réussissant tant bien que mal par la même occasion à me débarrasser de ma timidité et de mon habitude à la solitude et l'enfermement. « Plus sérieusement, je savais que j'allais te voir, sinon je n'aurai pas effectué le déplacement, surtout dans un endroit bondé de monde comme ici. » Je n'étais pas très fanatique des endroits populaires et ce n'était un secret pour personne, Mushu devait très bien se rendre compte de l'effort quasi surhumain que j'avais alors effectué en venant en ces lieux. « Et en ce qui concerne ta musique, je l'aime toujours autant. » disais-je toujours aussi souriante que précédemment. Il était clair qu’actuellement, rien ne pouvait briser le moment de bien-être dans lequel j’étais grâce à sa présence à mes côtés. L’après-midi touchait doucement à sa fin et je savais qu’en raison de nos modes de vies totalement opposés il était fort possible qu’il ait quelque chose de prévu au sein du monde de la nuit. Cette pensée était d’ailleurs bien loin de me réjouir, je n’étais pourtant pas égoïste mais je ne désirais en rien le voir filer sous mes yeux sans pouvoir en profiter davantage. « Je suppose que tu ne vas pas tarder à m’annoncer que tu as quelque chose de prévu ce soir. » Précisons que c’était très certainement l’une des rares fois où j’espérais que l’on m’annonce que je me plantais littéralement. Après avoir porté ma tasse à mes lèvres, je vins positionner la paume de ma main sous mon menton, mon regard en sa direction, observant avec attention chaque trait de son visage comme à chaque fois d’ailleurs. Je n’avais aucun mal à sentir mon cœur battre avec une vivacité remarquable contre ma poitrine, comme s’il semblait victime d’un chamboulement important. Je ne pouvais pas mettre un mot sur ce que je ressentais à cet instant précis mais Dieu que c’était agréable, étrange et déstabilisant à la fois, un somptueux mélange inexplicable mais dont j’étais totalement dépendante et je n’aurai changé ça pour rien au monde.

Son simple sourire le fit frémir comme s'il s'était retrouvé secoué de décharges électriques. C'est fou comme Scar avait un pouvoir déstabilisateur sur lui. Il avait l'impression d'être un adolescent pré-pubère qui parlait pour la première avec la fille qu'il aimait. C'est nouveau pour lui, et ce manque de contrôle l'angoissait un tantinet, mais éveillait aussi sa curiosité. Elle rayonnait par sa simple présence, à tel point qu'il se demandait comment une demoiselle aussi charmante pouvait être célibataire? «  Justement si, c'était vraiment naze. Tu ne peux pas savoir le bien que ça me fait de ne plus t'entendre jouer. » Il prit un air offusqué, laissant une moue éphémère traverser son visage avant qu'un large sourire ne vienne s'emparer de ses lèvres. « Eh bien dans ce cas, je m'appliquerai! Foi de Potter! Bientôt, tu me supplieras de jouer encore et encore! » Il étouffa un rire et glissa une cuillère de crème fraîche dans sa bouche, savourant le goût particulier de son cappuccino. Diable qu'il aimait ce genre de petite pause. Il s'amusa de la mauvaise comédienne qu'elle faisait. Plus piètre menteuse qu'elle, ça n'existait sûrement pas, surtout quand elle s'était mise à pouffer. Sur le coup, il la trouvait adorable. « Plus sérieusement, je savais que j'allais te voir, sinon je n'aurai pas effectué le déplacement, surtout dans un endroit bondé de monde comme ici. » Sa remarque le flatta. Dès leur première rencontre, il avait senti que Scar n'était pas une de ces demoiselles qu'il côtoyait au bahut, le genre extravertie, à déambuler à travers la foule et à se déchainer dans les soirées étudiantes. Elle était tellement différente de son quotidien, et attirante à la fois. A elle seule, la jolie Scar était toute une énigme. « Flatteuse! Mon intuition m'a chuchoté que tu pointerais le bout de ton nez ici-même. Ça me fait plaisir de te revoir, tu sais? » ajouta-t-il d'une voix sincère, le palpitant s'immisçant dans ses veines. « Et en ce qui concerne ta musique, je l'aime toujours autant » Osera-t-il lui dire qu'il a composé une chanson pour elle? Non, pas de cette manière. « Je viens de composer une nouvelle musique, et je dois dire que tu m'as pas mal inspiré » Voilà, c'était déjà mieux. Non? Ça faisait...moins niais? « Si tu veux, je te la ferais écouter tout à l'heure? » Bon allez, bois un coup de cappuccino et cesse de t'embrouiller. Et c'est ce qu'il fit, l'air de rien, cuvant son café avant de commander une ice-tea pêche.  « Je suppose que tu ne vas pas tarder à m’annoncer que tu as quelque chose de prévu ce soir. »  Elle voulait se débarrasser de lui, ou était-ce une question gorgée de sous-entendus? Il émit un long silence, histoire de la taquiner un petit peu. « Mhhh, attends que je réfléchisse » En bon petit joueur, Mushu fit mine de penser à son programme de la soirée, avant de lui répondre avec engouement, les lèvres étirées par un large sourire. « Il me semble que je dois passer la soirée en la compagnie d'une charmante indienne, sauf si elle a d'autres projets? » Il finit ses paroles par une petite moue à la façon « Chat Potté ». « Enfin, si tu ne veux pas de moi, je comprendrais... » poursuivit-il en jouant les mélodrames, sifflotant incognito, un mi-sourire accroché aux lèvres.

« Eh bien dans ce cas, je m'appliquerai ! Foi de Potter ! Bientôt, tu me supplieras de jouer encore et encore ! » Toujours aussi souriante, il ne cessait de m'amuser. J'appréciais sa façon d'être, ce qu'il était et cela ne cessait de me perturber. « Flatteuse! Mon intuition m'a chuchoté que tu pointerais le bout de ton nez ici-même. Ça me fait plaisir de te revoir, tu sais ? » Je vins baisser le regard, ne restant pas insensible à sa dernière phrase qui me fit presque rougir. Il avait cette facilité à me déstabiliser et ce, sans le moindre effort. « Je suis si prévisible que ça ? » Demandais-je l'air faussement surpris, relevant mon regard à ce même moment pour reprendre la parole une nouvelle fois : « C'est réciproque. » Le ton de ma voix fut tout autre, beaucoup plus profond, sincère. Ce n'était pas trop mon genre de dévoiler ce genre de choses, mais lorsque j'étais amenée à le faire, je le prenais très à coeur. J'aurais voulu rajouter que j'appréciais sa compagnie, que je l'appréciais tout simplement, que sa présence me cessait de me bouleverser et que surtout, j'étais strictement incapable de faire abstraction des sentiments intenses et indescriptibles que j'avais vis-à-vis de lui, mais je ne pouvais pas me permettre d'en divulguer autant, nous étions bien trop opposés par rapport à nos modes de vie et nos origines. « Je viens de composer une nouvelle musique, et je dois dire que tu m'as pas mal inspiré » Cette annonce me fit hausser un sourcil, totalement intriguée par ses paroles. « Je t'inspire ? » lançais-je sur le ton de la taquinerie, rigolant doucement et m'amusant à le chercher un peu. « Si tu veux, je te la ferais écouter tout à l'heure ? » Il était impossible que je puisse refuser et j'étais désormais plus qu'impatiente de découvrir cette chanson. « Il y a plus qu'intérêt ! » Le silence prit rapidement place lorsque je vins m'intéresser à ce qu'il allait faire de sa soirée et cela ne me plaisait guère. « Mhhh, attends que je réfléchisse » Je fronce soudainement les sourcils, m'attendant à ce qu'il ne m'apporte pas la réponse que j'attendais, même si celle-ci n'irait pas m'étonner, après tout, il était bien plus sociable et populaire que moi. « Il me semble que je dois passer la soirée en la compagnie d'une charmante indienne, sauf si elle a d'autres projets ? » Je souriais, pleinement satisfaite de la réponse qu'il venait de déclarer. Le ''charmante indienne'' était tout particulièrement flatteur d'ailleurs. « Enfin, si tu ne veux pas de moi, je comprendrais... » Il savait pertinemment que je ne pouvais en aucun cas refuser une soirée à ses côtés et il en jouait, je me décidais alors à faire de même, bien que je sois toujours aussi mauvaise actrice qu'il y a cinq minutes. « Tant mieux si tu comprends alors, car je suis déjà prise pour ce soir. » Je parviens à rester sérieuse le temps de quelques secondes pour finalement pouffer de rire, incapable de garder mon sérieux face à un mensonge sonnant tellement faux. « Je ne suis pas douée pour mentir, mes talents de comédienne sont très limités ! Ma soirée t'es alors réservée et tu vas devoir t'empresser de finir ton ice-tea afin que tu puisses me faire découvrir cette fameuse chanson car je ne vais pas pouvoir patienter très longtemps. » Je vins tapoter sur la table, comme pour l'encourager à se presser. « Plus vite que ça ! »