(r) en t'attendant.

le temps prend tout son temps et moi je perds le mien.

- " CHUUUT ! " C’était la troisième fois que le gamin à lunette se tournait vers elle pour l’apostropher de ce son si insupportable. Et pour la troisième fois, Ari lui adressa son majeur et un grand sourire hypocrite. Elle détestait la bibliothèque car elle avait du mal avec le silence mais c’était toujours mieux que de se retrouver chez elle avec son père sur son dos. La brune avait l’impression qu’il ne travaillait jamais et rentrait à la maison dès qu’elle passait la porte. Elle avait même fouillé les alentours pour chercher un détecteur de mouvement ou une autre merde du genre certaine que son cher papa l’espionnait en douce. Ce serait bien le genre à mettre une caméra dans son nounours préféré. Soupirant bruyamment une nouvelle fois, elle posa son stylo sur son livre ouvert et attrapa son portable dans son sac. Très peu de ses amies étaient du genre à trainer à la bibliothèque, petites veinardes. Mais les scrupules n’étouffaient pas la petite Ari qui n’hésita aucunement à enjoliver la situation. Aussi elle choisit une cible, Rani et lança une méga bombe. Putain Rani, tu croiras jamais le pur canon qui vient de s’assoir à côté de moi à la bibliothèque. Si t’es pas là dans cinq minutes je dis preums et t’auras qu’à pleurer quand je te le montrerais. Elle jeta un regard au gars à lunette était assis non loin d’elle et rit dans sa cape. Tout dépend du style mais elle aurait préféré se laver la bouche à la javel plutôt que de se retrouver avec sa langue en elle. Et il ne faisait aucun doute quant au fait qu’il en serait de même pour la blonde. A situation désespérée, mesure désespérée. Elle avait besoin de quelqu’un à qui parler sinon elle allait bientôt faire une dépression nerveuse à réviser ses mathématiques. Racine carré de x bordel de merde ouais. Et puis si elle pouvait en même temps faire chier le gars qui lui demandait de se la fermer, c’était un plus. Parce qu’il ne faisait aucun doute quant au fait que Rani ne serait pas particulièrement heureuse d’être tombé en plein guet-apens.

Le bouchon de son stylo entre ses lèvres, elle guettait la porte et se leva pour faire signe à Rani dès qu’elle passa la porte. Posant son stylo sur la table, elle lui adressa un grand sourire et attendit qu’elle arrive près d’elle pour annoncer à un rythme très rapide pour ne pas être interrompue. - " Tu te rappelles la dernière fois qu’on a réviser chez moi et que t’as fait pété un câble à mon père, j’avais dit que t’abusais et que t’avais une dette envers moi parce que j’avais loupé la soirée sur la plage ? Elle n’avait absolument pas dit ça mais c’était implicite voila tout. Je vais exploser si je fais pas une pause là alors bienvenue à cauchemarland, plus récemment nommé la bibliothèque. " Elle fit une légère moue et lança un regard implorant à Rani pour qu’elle s’assoit avec elle. - " Reste et je ferai un truc pour toi si tu veux. " Son regard du chat potté enclenché, elle priait pour ne pas avoir à danser le limbo en string un samedi soir.

« on fait ça vite et bien, je veux que dans trois minutes on soit sorties d'ici. » Rani voit ses deux amies acquiescer et un sourire se forme sur ses lèvres avant qu'elle ne recouvre la moitié de son visage avec une écharpe. De ses doigts de fée, elle a presque fini de crocheter la porte des vestiaires. Encore quelques secondes, et celle-ci s'ouvre sans un bruit. Les trois joueuses s'éparpillent parmi les bancs et les casiers. Rani repère ceux qui sont fermés, et elle insère dans leurs fentes sa bombe de mousse à raser. Le pschitttt qui s'en échappe alors qu'elle l'enclenche en est presque jouissif. Les cheerleaders sont en plein entrainement sur le terrain de basket, à jouer aux filles de l'air dans leur itsi bitsi tini ouini uniformes de pétasses. Elles ne risquent pas de revenir tout de suite, mais Rani ne préfère pas prendre de risques. Quand Jolène et Michelle ont fini de vider leurs bouteilles respectives de chantilly et de fromage liquide, elles se retrouvent près de la porte, le masque de l'innocence peint sur leurs traits. « mesdames et messieurs, préparez-vous au numéro final. » Elle sort délicatement de son sac deux boules puantes, qu'elle balance à l'autre bout de la pièce, avant de claquer la porte violemment derrière elles. Sans demander leur reste, les trois comparses se dispersent dans les couloirs. Seul leur rire hante encore les vestiaires.

C'est Rani qui est chargée de faire disparaître les preuves. Près de la benne à ordure de la cafétéria, elle balance les cadavres des aérosols, son cœur toujours emballé dans sa poitrine. Ce qu'elle peut faire des choses stupides, parfois. Et inutiles. Elle ne sera même pas là pour voir le visage de ses adversaires lorsqu'elles découvriront le carnage. Mais elle ne doute pas que cela fera grand bruit, et d'ici quelques heures, les bruits de couloir ramèneront à ses oreilles tous les détails. Ca serait suffisant.

Son Blackberry vibre contre sa cuisse, et six minutes plus tard elle se retrouve à la table d'Aretha. Sa tête est capable de faire un tour de 360° dès lors qu'il s'agit de mater. Mais à l'horizon, nul beauté ravageuse, juste quelques intellos boutonneux et insipides, plongés dans leurs racines carrées et leur révolution américaine. « c'est quoi ton plan foi... » commence-t-elle à demander à Ari, avant que celle-ci ne l'interrompe. Une dette envers elle ? Ouais, vaguement. Enfin, vu le nombre de fois où elle aréussi à faire sortir le père Sparks de ses gonds, la dette de Rani doit bien valoir le Taj Mahal.« mouais bon, d'accord, mais pas longtemps alors, parce qu'elle a tendance à me donner de l'urticaire, la bibliothèque ... » Sans un mot, elle attrape un stylo et tente de le faire tenir entre son nez et sa bouche, juste pour faire passer le temps, mais étrangement, celui-ci se révéle plutôt suicidaire, à tomber à plusieurs reprises sur le sol, dans un son mat. « et pour mettre les choses au clair, je fais pas ça pour des beaux yeux larmoyants. » Certes, elle a parlé un peu fort. Mais pourquoi est-ce que le binoclard d'à côté n'arrête-t-il pas de lui envoyer des regards haineux et répétés ?