Réveil en sursaut. Réveil en sueur. Cela faisait plus de deux mois que j’avais appris ma grossesse. Plus de deux mois que je regardais Thomas en face sans oser lui avouer. Plus de deux mois qu’il me regardait avec ce sourire que j’adorais, ce sourire qui n’avait aucun doute me concernant, et que je lui mentais. Enfin, je ne lui mentais véritablement même si on appelait cela un ‘mensonge par omission’. A plusieurs reprises, je m’étais réveillée en sursaut, après avoir revécu la scène où j’apprenais ma grossesse. Je pouvais donner la vie, au sens propre comme au sens figuré. Je pouvais donner la vie à un petit être, comme je pouvais donner
ma vie pour ce petit être. En étais-je capable ?
« Je crois que tu devrais en parler à ton compagnon, que vous réfléchissiez à ce que vous faites. » Voilà ce que mon médecin avait dit. En résumé, cela voulait dire qu’il valait mieux envisager l’avortement. Au fond, je pense que c’était pour ça que je repoussais l’instant d’avouer ma grossesse à Thomas. J’attendais qu’il soit trop tard pour avorter. J’avais déjà fait une fausse couche, j’avais très peu de chance de tomber enceinte. Et pourtant, je l’étais bel et bien, je voyais mon ventre commencer à s’arrondir. Pour moi, ça ne pouvait être qu’un signe. Je devais garder ce bébé, au risque de ne plus jamais avoir l’occasion de devenir mère. A plusieurs reprises, je revivais la scène dans mon sommeil, mais pas seulement celle où j’apprenais être enceinte, aussi celle où je l’apprenais à Thomas. C’était sa réaction qui me réveillait en sursaut. Après ça, impossible de me rendormir, je fixais le plafond jusqu’à ce que je doive me lever. Thomas était mon professeur, jamais il ne voudrait de ce bébé, j’en étais convaincue. En plus, il avait déjà un enfant. Il m’abandonnerait. Je me retrouverais seule, aussi seule que lorsque Jackson était mort. Je ne voulais pas revivre ça. Je ne voulais pas me terrer à nouveau dans mon lit sans bouger. Alors la solution était d’avorter… Non, je ne le pouvais pas non. Instinctivement, je posai la main sur mon ventre. J’en étais déjà à quatre mois, ce n’était plus seulement un fœtus, c’était un petit être en développement. Je ne pouvais pas le tuer. Le tuer me tuerait aussi. Il fallait que je le dise à Thomas. Mon regard se tourna vers le réveil. Nous étions dimanche, pas de cours. Je devais voir l’homme que j’aimais aujourd’hui. Oh oui, Dieu que je l’aimais ! Je me levais d’un pas résolu.
« Aujourd’hui, je lui dis. » Pour l’heure, je devais simplement me calmer et me préparer. Une douche, j’enfilais un short ainsi qu’un débardeur. J’hésitais à aller faire un jogging. Ça m’arrivait souvent pour palier à ma gourmandise et garder la ligne, mais c’était un jogging court et lent, à cause de mon cœur. Finalement, je pris mon bouquin et m’assit dans le salon. Lire me fera me changer les idées. Enfin, lire… C’était sans compter sur India, qui me sauta dessus pour me dire bonjour.
« Coucou ma belle. » Je parlais à mon chien oui, mais, après tout, à qui allais-je parler sinon ? Mon appartement était vide. India et moi avions nos habitudes, lorsque je voulais lire, je m’installais en tailleur sur le canapé et elle se couchait à côté de moi en posant sa tête sur ma jambe. De temps à autre, je la caressais sur la tête quelques minutes avant de me replonger dans ma lecture. Comme ça, le temps passait beaucoup plus vite. Très vite. Tellement vite que je sursautais lorsqu’on frappa à la porte. Ce ne pouvait être que Thomas. Une boule se forma dans mon ventre. Je ne devais pas plier, je devais prendre mon courage et tout lui dire. J’avais peur. Peur parce que si je lui avouais que je voulais garder ce bébé, je devrais enfin lui parler de Jackson. J’allais ouvrir, et en le voyant, je ne pus m’empêcher de sourire.
« Bonjour vous. » Il rentra, et je fermais la porte immédiatement. Nous n’avions pas le droit de nous embrasser sur le pas de la porte, j’habitais un endroit qui grouillait d’étudiants qui pouvaient le reconnaître. Une fois la porte fermée, je m’approchais de lui, et me mis légèrement sur la pointe des pieds pour pouvoir déposer mes lèvres sur les siennes. Ce contact était si doux. Chaque fois, mon cœur se mettait à battre. Baiser terminé. Yeux baissés. J’inspirai un bon coup.
« Il faut que je te parle, Thom. » Il fallait absolument que je lui dise de suite sinon je savais très bien que mon courage s’amenuiserait au fur et à mesure du temps que je passerais avec lui.
« Assieds-toi. » Je le regardais faire et fit de même. Je lui pris la main, comme si je pouvais le retenir rien qu’en lui tenant la main. Ça ne l’empêcherait surement pas de m’abandonner quand il saura.
« Je… Je suis enceinte, Thomas. » J’avais gardé les yeux baissés, je n’avais pas envie de voir son regard changé, de voir son regard devenir dur et froid. Je me retrouvais silencieuse, incapable de dire autre chose, incapable de bouger. Je serrais plus fort sa main. Sans trop savoir pourquoi, sans arriver à me contrôler, je sentis une larme couler le long de ma joue. J'osais encore moins le regarder.
fiche par pandora et gifs par inconnus.