Je dors. Clairement. Je fais même pas semblant de réfléchir à un truc intense. Non, je pionce tranquillement sur mon bureau, un ronflement léger sortirait de mon frêle corps que ça ne m'étonnerait pas. J'ai pas l'habitude de m'endormir comme ça, je suis une étudiante sérieuse habituellement, mais là, la nuit a été courte et la voix sans intonation de mon professeur a eu raison de moi, je dois l'avouer. Je devrais sans doute avoir honte, mais à l'instant, j'y pense pas. Je me dis simplement que je serais fraîche pour une autre soirée de folie avec ces quelques heures réparatrices, et ça me suffit pour ne pas culpabiliser. Franchement, il me suffira de trente minutes à la maison pour comprendre et intégrer son foutu cours de mathématiques. Mais je veux rendre la famille fière, alors je ne sèche pas. Ce n'est pas mon genre, Edd en témoignera. Le principal est de faire acte de présence, c'est sans doute pour cela que mon professeur ne me réprimande pas sur mon comportement, ça ou parce que je suis camouflée par deux élèves qui font un mur avec leurs corps bourrés aux stéroïdes. Le retentissement de la sonnerie ne me réveille pas immédiatement, c'est la vibration de mon cellulaire contre la table qui me fait faire un bond. Et c'est alors que je constate qu'on est plus que trois-quatre cons à être là. Je ne me fais pas prier et je me tire quasiment en courant tout en lisant mon nouveau message. J'ai envie de hurler alléluia quand je vois la destinataire et le contenu. Franchement, je ne demande pas mieux que d'éviter un nouveau supplice. On dira que j'étais malade et basta. Ni une, ni deux, je balance littéralement mes cahiers dans mon casier, et je cours presque jusqu'au toit, lieu de ma libération.

Je reconnais sans une once d'hésitation Zepp au milieu du toit, et je constate assez rapidement que Plume n'est pas encore arrivée, parce que faut pas réfléchir non plus à cette question, il est d'une évidence qu'elle va nous rejoindre dans peu de temps. Alors je m'approche d'elle tout en disant « bon c'est quoi cette jolie surprise ? et me fais pas regretter de t'avoir rejoint. » Quand j'arrive à son niveau, je constate qu'entre ses doigts avertis se roule un joint. « oh, je vois. tu vends du rêve zepp. je ne peux que te remercier davantage de m'avoir sortie de cet enfer. » Je m'installe en tailleur à ses côtés, prenant tranquillement le soleil. C'est fou comme on a l'air décontracté dès qu'on se trouve en dehors de nos salles de classe. Je me sens respirer de nouveau, et de l'air frais qui sera bientôt embaumée par l'odeur du pet que nous préparait tranquillement Solvig. Mon dos vient rapidement rejoindre le sol, putain qu'est-ce qu'on est bien comme ça. Il manque plus que Plume pour combler le tableau, pour que la dream team soit au complet, et pour qu'on s'éclate ensemble comme on le faisait constamment. « faudrait qu'on m'explique un jour ce qu'on a fait pour mériter un tel supplice. » Surtout quand on voit le soleil resplendir par la fenêtre, alors que nous sommes enfermés comme des cons dans une pièce de 40m² à soupirer parce que, soit on sait déjà ce que le prof nous raconte, soit on se fout totalement de ce que le prof nous raconte, au choix. Je sais pourquoi je vais à l'école tous les jours, pour gagner de l'argent plus tard, mais voilà la seule raison pour rester assise pendant des heures à gratter une feuille qui restera sans nul doute au fond de mon sac pendant des jours, avant que je ne la redécouvre et finisse par la jeter. Heureusement, Zepp m'a sauvée, sur ce coup-là, je lui dois une fière chandelle.

Zepp; Joey & Plume

« Parce que la dream team te fait rêver »

Heure de colle. Encore. Toujours. Heure de colle. Je commençai à connaître par cœur cette salle, j'avais eu l'occasion d'étudier les moindres affiches, posters, d'analyser chaque détail qui rendait cette pièce monstrueusement ennuyante. On ne peut pas dire que suis une élève à problème, non pas vraiment. Seulement une élève à grande gueule qui a la fâcheuse tendance de la ramener un petit peu trop. La sanction avait été si injuste, tout ça à cause de cette putain de cheer. Non pas que je considère chaque cheerleader comme ayant de sérieux problèmes d'égo mais celle là illustrait parfaitement le cliché. Remontons à la semaine dernière. Alors que je me dirigeais vers mon prochain cours, physique pour être exacte, préparée psychologiquement à supporter mon voisin pervers et de surcroit répugnant, j'aperçus près des casiers une de ces meufs à pompons, s'excitant légèrement avec ces derniers. Plus je m'approchais, plus ses cris devenaient stridents et perçants. Une petite foule s'était amassée autour d'elle, me laissant entrapercevoir la scène. Une première année, fluette et d'apparence enfantine, était adossée contre les casiers et semblait terrifiée. Son regard était plongé dans celui de son tyran, cette dernière lui répétant à de nombreuses reprises qu'elle n'avait pas à être là et qu'elle se devait de foutre le camp et de laisser place aux vraies femmes. Je ne pus retenir un petit rire tant ses propos étaient puérils. Une vraie femme, elle ? Une leçon de la féminité s'impose. Attendrie par l'étudiante, qui ne devait avoir qu'un an ou deux de moins que moi, et surtout exaspérée par les cris de cette hystérique, je me m'arrêtai près d'elles, et m'appuyai contre les casiers, faisant en sorte de faire face à la cheer. « Tu sais que c'est mauvais pour les rides de froncer les sourcils ? Pas sure qu'ils acceptent de te laisser secouer tes pompons avec un visage tombant. Lui lançai je sarcastiquement, Au pire tu peux toujours pisser sur les casiers, histoire d'marquer ton territoire. » la jeune première année qui se trouvait maintenant derrière moi étouffa un éclat de rire, imitée par de nombreux spectateurs. S'ensuivit une petite querelle entre la biatch et moi même, plutôt amusée par la situation. J'aimais foutre la merde, surtout quand il s'agissait de remettre les gens à leur place. La cheerleader devint alors aussi rouge que ses ongles, prête à exploser d'un instant à l'autre, mes regards provocateurs et méprisants n'arrangeant pas la situation. S'ensuivit la procédure habituelle. Un pion décidant de se bouger les fesses. Une convocation. Une réprimande. Une sanction. Voilà pourquoi j'étais ici, assise à ma table, comptant chaque minute écoulée. Je m'étais installée tout au fond de la salle, évitant ainsi d'avoir à supporter la vue de cette conne, évidemment collée la même heure. L'ambiance était électrique et je n'avais qu'une envie : sortir de ce putain d'endroit. Les secondes me semblaient interminables, comme si le temps freinait juste pour faire perdurer mon supplice. Vingt minutes restantes. Quinze minutes restantes. Dix minutes restantes. C'est alors que je sentis une légère vibration dans la poche de mon jean. Sans réfléchir, j'attrapai mon téléphone et commençai à lire le nouveau message. Un petit rictus se dessina sur mon visage. C'était Zepp, ou la fille dont j'avais besoin là, tout de suite.

Libération. La sonnerie venait de retentir. Je saisis mon sac précipitamment et me dirigeai hâtivement vers la porte. A peine eu-je posé un pied dans le couloir, que je pris une profonde inspiration, et affichai un sourire radieux. Mon calvaire était enfin finis. Je m'empressai de me diriger vers l'escalier menant aux toits, Zepp m'ayant invitée à la retrouver là bas. J'avais hâte de voir mes bonnasses de potes, car il était clair que Joey devait être de la partie. Alors que j'allais atteindre les marches, mon bras fut empoigné brusquement et je me retrouvai stoppée dans mon élan « Nan jpeux pas rester jdois … » commençai je avant de m'être retournée et de voir mon interlocuteur. Mr Keatting. Merde. Ce prof avait toujours cru voir en moi une passionnée de littérature, et il lui arrivait de monologuer sur tel ou tel roman ou poème, pensant que j'étais happée par ses récits. Jn'étais pas insensible à l'art littéraire, mais comment lui dire que là, maintenant, il pouvait se mettre ses belles paroles là ou je pense ? Son côté vieillard lunaire me rappelait mon grand père, seule personne de ma famille à peu près normale, toujours perché dans son monde. J'aimais bien l'entendre me parler, je redevenais un peu une petite fille à qui on raconte des contes de fées avec de belles princesses. Mais aujourd'hui, j'avais pas vraiment la tête à rêver, les princesses ont laissé place aux putes de cheers. Dommage. Je lui accordai cinq bonnes minutes, ne voulant le vexer, sachant que les filles n'en tiendront pas compte. Elles savaient que la ponctualité et moi c'était pas ça. Je bafouillai une excuse à peine croyable, mais qui sembla convaincre Mr.K. Je m'empressai de monter les marches deux à deux et poussai la lourde porte donnant accès au toit. Comme toujours, l'endroit était désert, c'est pour cela qu'il nous plaisait. Je fis quelques pas avant d'apercevoir deux silhouettes de dos. C'était inévitablement Zepp et Joey. Je m'approchai doucement près d'elle et peu à peu, j'humai une odeur des plus agréable. « Sympa ta surprise Zepp » pensai je en esquissant un léger sourire. « On commence sans moi mes bichons ? » Les deux jeunes filles se retournèrent, m'adressant leur plus beau sourire. Je m'installai près d'elles et m'emparai du joint qui venait de commencer à tourner. C'est ça le bonheur Mr Keating. Pas besoin de chercher plus loin. Mes meilleures amies, une chaleur enivrante et un oinj'.